Guaíba, Rio Grande do Sul, Brasil.

 

Télégramme envoyé le 11 Octobre 1976

BIEN ARRIVES STOP TOUT VA BIEN STOP LETTRE SUIT STOP

 

Le 14 Octobre 1976

Dans le jardin, assise au soleil, je vous écris cette première lettre. Tout va bien. Un accueil très chaleureux nous a été réservé.

Le voyage s'est bien passé !

Les préparatifs ont été très éprouvants. Les vingt kilogrammes autorisés de bagages de soute par personne étaient largement dépassés et chacun devaient se charger d’un maximum impossible de bagages à main ne disposant hélas que de deux mains ! Mais heureusement qu’existent aussi les sacs à bandoulière !

Hélas au guichet de la Varig à Orly, malgré toutes les précautions prises, les nombreuses pesées et repesées sur le pèse-personne de la salle de bain, la flèche de leur balance était sans pitié et dépassait largement le poids permis. Surtout qu’ils nous avaient obligés à remettre une quantité non négligeable de bagages à main avec ceux de soute, trouvant notre organisation pourtant si bien pensée, irréalisable ! ….Gros marchandage ! …. Nous nous en sommes tirés avec un léger supplément financier !

Ouf ! …  ça y est ! Nous avions nos cinq cartes d’embarquement ! Il restait encore deux bonnes heures avant de se présenter, permettant de profiter encore un moment de la famille et des amis présents. Soudain, D s’aperçoit qu’il a oublié le paquet de mycélium qui doit permettre de démarrer la culture de champignons. Il est resté dans le frigidaire de la tante ! Une voiture est vite repartie vers Paris et nous l’a ramené à temps !

Enfin nous voilà dans l’avion. Un DC10 ! Ce n’est pas la grosse foule et on nous a réservé toute une rangée ! …. Escale à Lisbonne avant de quitter le vieux continent et cap vers Rio de Janeiro que nous atteindrons demain matin !

La Varig a la réputation d’être la meilleure table des airs ! Réputation non usurpée ! Repas royal avant d’arriver à Lisbonne, puis les enfants remettent cela après le décollage. J’ai un peu honte ! Ils sont énervés comme des puces ! Il faudra du temps pour qu’ils s’installent et qu’ils s’endorment enfin ! La place est spacieuse, certains s’allongent parterre, d’autres de tout leur long sur les sièges. La fièvre des derniers préparatifs et la fatigue ont fini par avoir raison de nous tous. Malgré l’envie de voir "Le Complot de Famille" de Hitchcock nous nous endormons avant le film !

Au réveil, un bon petit déjeuner remet les esprits et les horloges en place.

A 6 heures 30, heure locale, nous atterrissons à Rio, ce qui fait 10 heures 30 pour ceux que nous avons laissés de l’autre côté !. La traversée de l’Atlantique a duré 12 heures.

 des photos (l'arrivée)

Arrivée épique à Rio : dédouanement des bagages ; changement d'aéroport ; tous les cinq dans un combi Volswagen ! La correspondance pour Porto Alegre est prévue à 10 heures. Moi, je dors debout ou affalée sur un fauteuil peu confortable, bien incapable de réaliser que je suis dans une ville aussi fameuse que Rio. Rien de plus semblable à un aéroport qu’un autre aéroport. Rien de particulier dans ces gens qui nous entourent, seule la chaleur extérieure nous rappelle que nous avons quitté l’automne parisien. D. aussi excité que les enfants prend déjà des photos de ce nouveau monde dont on a tant rêvé. Les enfants font les fous organisant des courses à chariots !

Le Boing 737 pour Porto Alegre parait de carton après le DC10. Les enfants encore très à l'aise profitent au maximum des hôtesses à leurs petits soins.

Ils n’auront pas arrêté de manger !

Nous atterrissons vers midi sous une chaleur accablante et un ciel tout bleu.

Nous sommes attendus par des bras chargés de roses ! Je croyais bien parler portugais mais je cherche mes mots. Je réussis tout juste à sortir quelques phrases de politesse. Nos hôtes s’amusent beaucoup de notre sotaque portugais ! Nous avons bien plus envie de dormir que de manger. Alors direction « notre maison » à Guaíba, à 30 kilomètres de Porto Alegre.

Le long de la route je cherche dans le paysage ce qui pourrait me sembler exotique. Des étendues de champs, une végétation qui pour l’instant ne me paraît pas très tropicale !

La fatigue du voyage a émoussé mes perceptions et je ne suis pas en Amazonie !..

A prime abord, Guaíba est une petite ville tout droit sortie d’un western, aux rues bien tracées, remplies de chaleur et de poussière. Cependant quelques villas neuves se veulent somptueuses. L’une d’elles nous est réservée !...

Guaíba a connu son développement grâce à l’usine Riocell, gros monstre d’usine de cellulose. Quand les vents viennent du sud, on ne risque pas de l’oublier, tant l’odeur est forte ! Les écolos se sont beaucoup battus contre Riocell et il semble que l’environnement ait depuis été très amélioré, grâce à José Lutzemberg !

 des photos (José Lutzemberg)

http://www.terragaucha.com.br/imags_guaiba.htm

http://pt.wikipedia.org/wiki/Guaíba

Je vous fais faire le tour du propriétaire : on entre à gauche de la façade par un énorme garage pouvant contenir au moins deux voitures ! Au fond de ce garage, une première chambre sommaire et un coin toilette sans doute prévues pour la « domesticité » ! Puis on entre dans la cuisine, gazinière toute rouge, beaucoup de placards, des éléments blancs et rouges, un immense réfrigérateur (ce doit être un élément indispensable à la survie, vue la chaleur !), de marque " Consul " (comme notre voiture laissée en France !). Orientée plein sud, une grande salle de séjour à grandes baies vitrées donnant sur la pelouse face à la rue. Plutôt insolite, une cheminée, sans doute, simple décoration !. Puis quatre chambres, deux donnant sur le sud et deux sur le nord : les enfants sont tout de suite ravis de constater qu’ils auront chacun leur chambre ! Deux salles de bain et un cabinet de toilette, quatre WC en tout !... Le grand luxe !...

Derrière la maison, un grand jardin, avec enfin là une végétation digne des tropiques : ficus, caoutchoucs, agrumes, goyaviers, cactées, etc...

L’essentiel a été prévu pour nous accueillir : des verres, des assiettes, des couverts pour tous ; une table ronde ; des chaises ; des matelas au sol dans chaque chambre ; des fleurs sur la table ; des provisions plein le réfrigérateur ! A part la chaleur moite et accablante, rien qui ne change beaucoup d’une nouvelle installation en France ! Le Maroc où nous avons beaucoup vécu, nous était sûrement plus exotique et surprenant !

Ce qui sera notre voiture, un vieux break bleu Passat Volkswagen est garé devant la maison !

Après avoir lutté un moment contre le décalage horaire, chacun finit par céder à la fatigue et nous entamons notre première nuit brésilienne à l’heure française !…………

Pendant les deux premiers jours, nous sommes restés abasourdis et assommés. Puis peu à peu les choses s’installent.

Aujourd'hui ça commence à aller mieux. On a du faire vacciner les enfants contre la méningite dès notre arrivée, car une épidémie menace. Ils ont été courageux, l’injection se faisait au pistolet dans le bras.

D. débute son travail en douceur. La champignonnière étant encore en construction, il est chargé pour l'instant de surveiller et d’activer les travaux.

Nous avons fait connaissance avec la ferme où se feront les champignons. A une dizaine de kilomètres de la maison par un chemin de terre nous arrivons à la Fazenda Petim, le nom est écrit en haut d’un grand cadre de bois où sont suspendus des crânes de bovins. C'est l’entrée de la propriété.

 

On est dans la Pampa ! Avant d’arriver à la demeure des « maîtres », nous traversons d’immenses prairies, où paissent vaches, zébus, chevaux, puis des champs de riz. Regroupées auprès de la maison principale, la maison du capataz, (celui qui dirige la ferme, homme à tout faire, entièrement dévoué au fazendeiro), puis les maisons des ouvriers et de leurs familles. De nombreux enfants courent partout.

Quand on franchit la porte de la maison, on entre dans un autre monde. Famille d’origine italienne très aisée : Ítalo le patriarche, sa femme Vera, leur fille Ángela, son mari Paulo Roberto et leur petite fille Roberta qui a 2 ans. Ils habitent tous à Porto Alegre et passent les fins de semaine à la fazenda. Tout est propre, impeccable, de nombreux domestiques s’affairent. Face au sud et à la nature, une énorme terrasse où est installée une churrascaria, grande cheminée en brique, où se cuisent les gros morceaux de viande, spécialité de ce pays de gauchos. Nous sommes très bien reçus. Ils semblent faire tous beaucoup de frais pour cette famille française qui restera quelque temps l’attraction, avant de faire aussi partie de l’entourage ouvrier de la ferme ! Les hommes de la maison sont aussi hommes d’affaires à Porto Alegre, affaires qui, rajoutées à la production de la ferme, semblent prospères. 

C’est donc dans l’enceinte de cette fazenda que se monte la champignonnière. Ce n’est qu’un petit détail dans le tout et même un caprice du propriétaire qui adore les champignons, caprice qui nous a donné l’opportunité de venir ici !

On nous dit que dans deux ou trois mois nous pourrions habiter à la ferme. Il y a là-bas une maison à retaper où nous installer dès qu'elle sera prête. Le loyer sera certainement moins élevé que celui de la « villa » de Guaíba et ce sera plus pratique pour la vie de famille.

Gw. trouve son bonheur quand on lui propose de monter le cheval de la maison ! Ángela lui donne quelques rudiments d’équitation à la gaucho ! Et la voilà vite très à l'aise, partie chevaucher les chemins environnants ! Heureusement, le cheval semble particulièrement doux et obéissant

des photos (connaissance avec Petim)

Pendant que D et PR traitent de leurs affaires, Ángela me fait visiter les deux supermarchés de Guaíba. Ce sont de grands hangars où sont entreposées de nombreuses marchandises. Il semble qu’on y trouve de tout, mais je suis encore paumée et j’ai du mal à reconnaître ce qui faisait mon ordinaire en France !

Pour maintenir leur niveau en Français, les enfants sont inscrits au Centre de télé-enseignement de Vanves (CNTE). Et pas de répit, les cours sont arrivés, avec un emploi du temps très draconien sur lequel ils ont déjà pris du retard. On ne rigole pas. C'est très astreignant comme travail. Ils ne sont pas encore en moyen de tout faire, car les livres sont dans les malles parties par bateau. Ils y passent tout de même la journée. Qu'est-ce que ça sera lorsque tout sera à faire, et ce n'est que le Français ! ...

Demain, A. doit m’accompagner à l'école de Guaíba. Ce sera intéressant pour les enfants d’y aller afin qu'ils puissent déjà s’habituer au Portugais, même si c'est bientôt la fin de l'année scolaire ici. Nous sommes dans l’hémisphère sud et les vacances d’été vont commencer à la fin du mois de novembre pour se terminer en mars.

Voilà les premières impressions de l’autre côté de l’Atlantique et dans l’hémisphère sud. Rendez-vous bientôt pour les suivantes. J'ai du mal à réaliser que nous sommes si loin de vous tant le voyage a été rapide.

Je ne vous ai pas parlé du temps : s’il faisait une chaleur accablante et un ciel bleu quand nous sommes arrivés, aujourd'hui le temps est très sombre, lourd et orageux. Il commence même à tomber quelques gouttes de pluie.

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